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Portrait-robot du complotiste

  • Pierre Barthélémy
  • 5 avr. 2017
  • 2 min de lecture

Dans un article publié fin mars par la revue Social Psychiatry and Psychiatric epidemiology, deux chercheurs britanniques se sont intéressés non pas à la logique complotiste mais aux caractéristiques psychologico-sociales des personnes qui y adhèrent. Afin de dessiner en quelque sorte le portrait-robot de ceux qui gobent le mieux ces histoires.

Pour ce faire, David Freeman (université d’Oxford) et Richard Bentall (université de Liverpool) ont exploité une enquête à grande échelle sur la santé mentale aux Etats-Unis, réalisée entre 2001 et 2003. Tout l’intérêt de cette enquête tient au fait qu’elle comportait une proposition ainsi libellée : « Je suis convaincu(e) qu’il existe un complot derrière de nombreuses choses dans le monde. »

Sur les 5 692 personnes qui ont répondu au questionnaire, plus d’un quart (26,7 %) se sont déclarées en accord avec cette affirmation. On retrouve davantage d’hommes que de femmes mais l’âge n’était en revanche pas un facteur déterminant. Se dessine le profil d’individus en général non mariés, au niveau d’études peu élevé, souvent exclus du marché du travail. Leur niveau de revenus est très nettement inférieur à celui des non-complotistes et il leur est plus fréquemment arrivé de souffrir de la faim sans avoir les moyens de l’assouvir. Ils ont connu des histoires familiales difficiles (séparation des parents biologiques, séjours prolongés hors du foyer) et leur réseau personnel (famille, amis) est en moyenne moins développé. Plus grande solitude, moins d’espoir en l’avenir, auto-dépréciation, plus grande détresse psychologique, colère et manque de contrôle, moindre confiance… Le mécanisme d’adhésion au discours complotiste fait intervenir des facteurs de prédisposition (défiance envers l’autorité, faible capacité à accepter l’incertain, etc.), des déclencheurs (essentiellement des événements à fort pouvoir émotionnel) et des biais de raisonnement (sources d’informations sélectionnées, biais de confirmation, rigidité cognitive, confiance en ses intuitions).

Les auteurs pointent des similitudes avec les symptômes paranoïaques sans toutefois affirmer que le complotisme est une forme de paranoïa. Ils soulignent également que leur étude à ses limites, notamment parce que l’enquête sur laquelle elle s’appuie « a été menée il y a plus de dix ans dans un seul pays et [qu’]il est de toute évidence plausible de penser que la prévalence et la nature d’une telle vision du monde ont pu changer dans l’intervalle. » Quand on voit la propension récentes de plusieurs responsables politiques à jouer sur la fibre complotiste, on peut se dire que les choses ont évolué, mais pas dans le sens de la raison. Daniel Freeman a, avec son frère Jason, publié sur le site du Guardian un article vulgarisant sa recherche. Le titre en est : « Sommes-nous en train d’entrer dans un âge d’or de la théorie du complot ? »


 
 
 

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